
Le syndrome de la femme trop bien
Elle est brillante, douce, fiable, disponible. Elle organise les anniversaires, pense aux dates des vaccins, tient les plannings, répond aux messages, pose des questions pertinentes en réunion, fait preuve d’empathie sans jamais s’effondrer. Elle est “vraiment super”. Et pourtant, elle rêve parfois de tout quitter. Pas dans un grand fracas. Non. Dans un murmure. Un glissement. Comme on se glisse dans un taxi sans prévenir personne. Depuis quelques années, une forme d’épuisement discret touche un nombre croissant de femmes, souvent dans la trentaine ou la quarantaine, souvent reconnues pour leur fiabilité, leur douceur, leur élégance morale et sociale. Elles ne crient pas. Elles ne s’arrêtent pas. Elles tiennent — jusqu’au jour où elles n’en peuvent plus d’être à la hauteur. On parle de burn-out. Mais ici, le symptôme est feutré. On l’appelle parfois burn-out blanc, syndrome de la femme trop bien, ou encore fatigue émotionnelle à haute capacité de fonctionnement. Derrière les termes, une réalité : ces femmes tiennent debout avec grâce… mais au bord du vertige.
Une pression invisible,invisible, mais continue
Dans son cabinet parisien, la psychologue clinicienne Aurélia Schneider décrit des patientes “extrêmement compétentes, engagées, attentives aux autres… mais profondément coupées d’elles-mêmes.” Leur charge mentale ne se limite pas à l’organisation du quotidien. Elle est affective, psychique, invisible : elles pensent pour tout le monde. Et ne s’arrêtent jamais. Elles brillent, mais s’épuisent. Elles aident, mais s’oublient. Elles sont fiables, mais se fissurent — sans jamais rien casser. Ce sont celles qui posent une question en réunion tout en pensant à la liste de courses. Celles qui écoutent les chagrins des autres, même quand les leurs grondent en silence. Celles qu’on admire pour leur calme — sans savoir le prix qu’il leur en coûte.


L’éloge social dede la “fille bien”
Dans un monde qui valorise la performance émotionnelle autant que professionnelle, la “fille bien” est une figure rassurante. Elle prend soin. Elle organise. Elle absorbe. On ne s'inquiète pas pour elle. Elle va bien. Elle assure. Elle est “toujours là”. Mais à force d’être là pour tout le monde, elle se perd. Et un jour, souvent sans prévenir, elle rêve de fuir. Pas en claquant la porte. Pas en criant. Mais en disparaissant doucement. Dans un hôtel, dans une voiture, dans un monastère en Ariège. Elle n’appelle plus. Elle ne répond plus. Elle s’arrête, enfin. Et personne ne comprend tout de suite. Parce qu’elle ne laissait rien paraître.
Une mécanique dede l’usure douce
“Je me sens en pause intérieure permanente”, confiait une femme de 36 ans lors d’un entretien réalisé pour cette enquête. “Je continue à fonctionner, mais sans désir. J’ai l’impression de simuler ma propre présence.” Ce type de témoignage, discret, pudique, est devenu fréquent. On y retrouve une mélancolie de la perfection, un besoin de décrocher sans faire de bruit. Dans Psychological Science, une étude récente démontre que les personnes qui ignorent durablement leurs émotions ou les relativisent pour préserver l’ordre social développent un stress chronique plus élevé que celles qui expriment leur fatigue. Mais exprimer, pour ces femmes, est souvent vécu comme une déception. Elles ne veulent pas déranger. Ni abîmer leur image. Elles préfèrent encaisser. Jusqu’à saturation.
L’envie de fuirfuir (en secret)
Contrairement au burn-out classique, ici, il n’y a pas toujours de breakdown brutal. Plutôt une dérive lente. Une envie de fuir pour se retrouver. Pas fuir les autres — fuir le rôle. Certaines partent quelques jours. D’autres ferment leur compte Instagram. D’autres encore s’inventent un faux rendez-vous pour avoir une après-midi à elles, sans explication. Ce n’est pas de la lâcheté. C’est une tentative de récupération existentielle. Dans un film d’Emmanuel Mouret, une femme pourrait s’évaporer sans alerte, en laissant derrière elle une robe bien pliée, une lettre manuscrite et une petite boîte de bonbons à la violette. Il n’y aurait ni drame, ni éclat. Juste un doux mouvement de retrait. C’est parfois cela, la seule issue : reculer doucement pour mieux sentir.
Vers une autreautre forme de présence
Mais il n’est pas nécessaire de tout quitter pour s’en sortir. Dans les approches thérapeutiques les plus récentes (thérapies ACT, psychologie humaniste, travail de pleine conscience), une idée revient souvent : ce n’est pas l’intensité de l’engagement qui épuise, mais son déséquilibre. Accepter d’être moins parfaite, c’est faire de la place à plus de vérité. Accepter de dire “je ne peux pas”, “je suis fatiguée”, “je ne suis pas disponible” — c’est reprendre le fil de soi. Un psychanalyste cité par Le Monde parlait de “restaurer la capacité d’indifférence”. Non pas pour devenir insensible, mais pour se protéger d’un monde qui demande trop, trop vite, tout le temps.
Et maintenant ??
Ce qui sauve, c’est rarement la fuite définitive. Ce qui sauve, c’est le droit à la complexité. Le droit d’être brillante et fatiguée. Aimante et absente. Bienveillante et en colère. Des femmes trop bien, il y en a partout. Dans les open-spaces, les musées, les crèches, les dîners, les taxis, les toilettes de bureaux. Elles se recoiffent. Elles reprennent leur souffle. Elles retournent dans la pièce. Mais certaines, doucement, commencent à dire non. Et ce “non”, fragile mais ferme, est peut-être le début d’une révolution. Une révolution invisible, mais essentielle : celle d’apprendre à être à la bonne distance de tout ce qui épuise, et à la juste proximité de ce qui, doucement, nous reconstruit.
2 Comments
-
-
Charles Holland
Malesuada fames ac turpis egestas enas pharetra convallis. Cras pulvinar mattis nunc sed blandit.
-
POST COMMENT Annuler la réponse
Related Posts
les terrasses les plus iconiques de Paris
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
Les expositions à ne pas manquer ce printemps
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
8 silhouettes pour se sentir forte, sans armure
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
5 adresses pour déjeuner seule au restaurant
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
Peut-on être amoureux de deux personnes à la fois ?
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
Peut-on désirer sans vouloir posséder ?
Tellus in metus vulp utate eu scele risque felis. Nunc scele risque vi
Aiden Moore
Egestas sed sed risus pretium quam vulputate dignissim suspendisse in. Pharetra sit amet aliquam id diam maecenas ultricies mi.