31 août 2022

Peut-on être amoureux de deux personnes à la fois ?

Il paraît que le cœur humain est monogame par tradition, mais polysensible par nature. Une idée que l’on accepte très bien dans la musique, dans l’art, dans la gastronomie — on peut aimer à la fois le jazz et la techno, Hopper et Monet, les huîtres et le chocolat noir. Mais lorsqu’il s’agit d’amour, soudain, il faudrait choisir. Clarifier. Simplifier. Se ranger. Et pourtant, il y a ces moments étranges — souvent brefs, souvent silencieux — où l’on se surprend à penser à deux personnes en même temps. À les désirer toutes deux, différemment. À les aimer ? Peut-être.

“Je suis bien avec lui. Mais quand je vois l’autre, mon corps s’allume autrement.”
Et dans son regard, aucune volonté de trahir.
Juste une confusion tendre, bouleversante : celle d’un cœur en expansion.

La psychanalyse y voit un clivage affectif. La biologie y voit une stratégie de survie. La société y voit un danger moral, un “manque de clarté”. Mais quand on écoute les histoires des autres, leurs demi-secrets, leurs silences au téléphone, on sent que cette question n’est ni marginale, ni récente. Simone de Beauvoir écrivait à Sartre pendant qu’elle aimait d’autres hommes. Chopin composait pour Georges Sand tout en pensant à Maria Wodzińska. Et Emmanuel Mouret, dans ses films, ne cesse de mettre en scène des personnages qui aiment “un peu trop” — à la fois, sans forcément mentir. Et si le mensonge n’était pas dans le fait d’aimer deux personnes, mais dans l’idée qu’on ne devrait aimer qu’une seule à la fois ?

Aimer deux personnes…personnes… mais pas pareillement

L’un vous rassure, l’autre vous déstabilise. L’un vous connaît, l’autre vous devine. L’un vous fait rire, l’autre vous fait penser. Et parfois, dans cette double tension, quelque chose se révèle : qui on est, dans le frottement entre deux reflets. Ce n’est pas tant une infidélité qu’une fragmentation. Une tentative de coïncider avec toutes les parties de soi-même. L’adulte, la rêveuse. L’ambitieuse, la vulnérable. Celle qui veut construire. Celle qui veut brûler. Et si l’amour n’était pas un lieu unique, mais une circulation ?

Mais la réalité, elle, est moins poétique. Aimer deux personnes, dans la vraie vie, fait mal. Cela rend les choix flous, les matins ambigus, les nuits pleines de phrases non dites. Cela fait culpabiliser. Et parfois mentir. Cela use. Cela excite. Cela abîme. Et puis il y a la société. L’attente d’engagement. Le “tu dois te décider”. Le romantisme réglementé. On aime que dans les chansons, il y ait deux prénoms. Mais pas dans la vraie vie.

Alors… peut-on aimeraimer deux personnes à la fois ?

Oui. Mais rarement de la même manière. Et pas sans conséquence. Ce n’est pas un confort. C’est un désordre. Pas une trahison systématique, mais une intensité instable. Et parfois, cet état fugace dit quelque chose de profond : qu’on cherche encore. Qu’on est à la frontière. Qu’on n’a pas encore choisi quelle version de soi on est prête à faire grandir. Parce qu’au fond, choisir entre deux personnes, c’est aussi choisir la femme que l’on devient à leur contact.

Certaines finissent par trancher. D’autres fuient. Certaines écrivent des lettres qu’elles n’envoient jamais. D’autres tentent, échouent, recommencent. Et certaines… restent un peu amoureuses des deux. Longtemps. En silence. Sans faire de mal, mais sans s’en défaire. Un souvenir, un frisson, un nom qui revient dans un rêve. Et c’est peut-être cela, aussi, être vivante.

2 Comments

  • Aiden Moore
    31 août 2022

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    • Charles Holland
      31 août 2022

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